#engagement
A la rencontre de Moira Millan, guerrière Mapuche
“Nombreuses sont les femmes qui - peu importe leur couleur, culture ou langue - comprennent la magnitude du problème. Tout ce qui m’importe est de me battre avec ceux qui se soucient réellement de la Vie. Ils sont en train de détruire la planète, on n’a pas le temps pour la stupidité.” Enoncés avec force et émotion, ces mots sont ceux de Moira Millan, leader respectée du peuple Mapuche.
Quand on réalise en effet l’ampleur du changement que notre époque exige, on tend à s’intéresser à notre échelle immédiate, à nos vies persos, notre commune, nos organisations. Sûrement à raison. La question centrale : comment habiter la Terre tout en en prenant réellement soin ?
A des milliers de kilomètres de nos quotidiens, bien des Peuples sont habités par les mêmes questions. Malgré des géographies et responsabilités distinctes, on partage plus qu’il n’y paraît au premier regard. Explorer notre interdépendance peut donc être, si ce n’est salutaire, inspirant.
Dans une série de 4 épisodes atypiques, je vous emmène d’Arles jusqu’à la Patagonie argentine, pour rencontrer celles et ceux qui mènent une lutte sans répit pour préserver leurs terres – et plus globalement, la Terre. Cette aventure nous mène au cœur d’une rencontre qui réunit pas moins de 150 000 femmes de tous horizons avant d’aller vivre au sein d’une communauté Mapuche. Ces dignes guerrières font de la solidarité féminine une pierre angulaire de la préservation de leur culture, persécutée depuis des décennies.
Genèse d’une rencontre : Patte Blanche au festival “Agir pour le Vivant” à Arles
Voilà 17 ans que Patte Blanche a été créée d’une volonté d’intégrer les enjeux de conscience environnementale et de transition écologique au sein des entreprises. 17 ans, à la confluence des mondes associatifs, militants et créatifs pour tenter de faire bouger les lignes.
Si les stratégies et feuilles de routes sont fondamentales pour la mutation des entreprises, nous sommes convaincus qu’un changement s’amplifie lorsqu’un ensemble d’individus se saisit des enjeux, à bras le corps et avec coeur tout en faisant évoluer les valeurs, croyances, niveaux de compréhension, normes et éléments d’une culture qui façonne l’action d’une organisation. Au centre de notre raison d’être, justement, la nécessité d’œuvrer à une (r)évolution culturelle qui serve un monde désirable pour l’ensemble des Vivants. D’où notre présence au Festival Agir pour le Vivant à Arles, dès l’édition 2021.
Résidence B Corp au sein du festival
Cette année, c’était au sein de la résidence organisée par B Lab France, que nous avons participé. Vivre cette prise de hauteur collective aux côtés d’une vingtaine de représentants d’entreprises B Corp était aussi riche que stimulant pour réfléchir à comment nous pouvons, en tant qu’entreprises, aller encore plus loin dans la transition vers des modèles respectueux du Vivant.
Il y a eu maintes interventions brillantes : celle de David Escobar, fondateur de Comfama, Fatima Ouassak, politologue et auteure de l’ouvrage “Pour une écologie pirate” ou encore Alexandre Monnin, auteur de “Politiser le renoncement” – que l’on vous recommande d’ailleurs. Pourtant, parmi ces “pas de côtés nourriciers”, un témoignage en particulier est venu bouleverser l’auditoire : celui de Moira Millan.
Rencontre avec Moira Millan, Weychafe Mapuche
Moira avait le ton de l’urgence qui sied à notre époque. Face à ce qu’elle qualifie de “terricide”, Moira estime que l’on ne peut rester neutre. Si l’on devrait considérer la Terre comme la prunelle de nos yeux, elle juge nécessaire de se mobiliser collectivement, afin de cesser les projets climaticides et extractivistes. Se reconnecter au Vivant pour assimiler cette prise de conscience – s’en émerveiller pour générer l’envie de s’engager plus – peut être un bon début !
Elle relatait des actions terrain concrètes pour récupérer les terres ancestrales exposées à de nombreuses convoitises. Sa présence en Europe était loin d’être aisée pour elle. Alors que sa voix s’emplit d’émotion et sa gorge se noue, un grand coup de vent se lève. Frissons. Cette dernière n’a d’ailleurs pas hésité à fustiger l’auditoire, le défiant de prendre cette conférence comme une énième manière de laver sa conscience avant de repartir tranquillement vaquer à ses occupations. Les 40°C passés qu’il faisait à Arles lors de cet événement ne venaient qu’appuyer la puissance de sa plaidoirie.
« Weychafe » signifie guerrière. On ne pourrait mieux définir Moira tant elle n’a de cesse de soutenir la Terre, son peuple et en particulier les Femmes engagées. Outre son activisme et son rayonnement au sein de sa communauté, en Argentine et au-delà, elle est également l’une des premières essayistes et romancières Mapuche. Idéatrice infatigable, Moira a également fondé le Mouvement des Femmes et Diversités Indigènes pour le Buenvivir.
Pour vous donner une idée, Moira c’est la force vive d’un cœur combatif, bien décidé à ne jamais plier face à l’injuste. C’est l’allégorie d’une culture qui tente de ressurgir des cendres, du silence et de l’oubli après plus d’un siècle de répression physique, économique et culturelle – d’ailleurs loin d’être terminée…
Moira, c’est l’esprit libre, farouchement épris d’un sentiment d’Amour pour la Terre, c’est l’éclat d’un rire complice et c’est l’aura de celles qui ouvrent la voie. C’est la chaleur d’un sourire qui adoucit le monde, l’intransigeance de l’orage et un exemple pour des milliers d’autres femmes Mapuches qui commencent, elles aussi, à vouloir renouer avec les racines d’une culture profondément reliée à la Terre. Moira c’est aussi l’héroïne moderne qui, mère de 4 enfants, est l’une des premières à avoir récupéré son territoire ancestral il y a 25 ans de cela.
A une rencontre près
On le dit souvent : tout se joue parfois à une rencontre, à un moment et à un lieu donné. En l’occurrence, j’étais de celles pour qui le témoignage de Moira sur les féminicides des activistes et sur la noblesse de leur lutte a fait l’équivalent d’un raz-de-marée. On a beau connaître un brin de ces réalités, un récit incarné vaut souvent mieux que la meilleure théorie.
Outre la prise de hauteur et la claque émotionnelle que ses talents d’oratrice ont participé à véhiculer, elle a fait mention, presque trop furtivement, d’un grand projet qu’elle porte avec son mouvement : la création d’une “Pluriversité”. Au détour d’un échange qui nous permet de mieux nous rencontrer, elle mentionne sa participation à une rencontre de 150 000 femmes au cœur de l’Argentine qui allait avoir lieu dans les semaines à venir.
De là, l’idée sommeille dans mon esprit. Jusqu’à ce que, quelques semaines après, je lui écrive pour prendre de ses nouvelles et demander quand aurait lieu cette grande rencontre afin d’en suivre les potentiels échos médiatiques. En guise de réponse : elle m’invite à y participer et à venir la rencontrer jusque dans sa communauté, dans la Puelmapu, cette terre que nous connaissons sous le nom de “Patagonie”.